Jamais je n’aurai pensé que faire la rencontre avec moi-même allait être aussi difficile.
J’ai fait Vipassana. Une immersion de 10 jours, avec 10 heures de méditation par jour, sans parler, sans téléphone, livre, carnet, rien qui ne puisse perturber le mental.
Qu’est-ce que Vipassana ?
C’est l’une des techniques de méditation les plus anciennes d’Inde, enseignée depuis plus de 2500 ans, par Gotama le Bouddha.
Vipassana signifie voir les choses telles qu’elles sont réellement, observer la vérité.
C’est une méthode de transformation de soi par l’observation de soi.
Son but ?
S’alléger de toute souffrance et purifier le mental.
Est-ce que ça marche ?
Seule votre expérience vous le dira. Je vais vous raconter la mienne.
Pourquoi est-ce que j’ai fait Vipassana ?
Il y a 3 ans, en Inde, des personnes me racontaient leur expérience. Je pensais alors “Pourquoi s’infligent-ils cela ?! Moi, jamais, je ferai ça, je sais à peine méditer, j’ai trop la bougeotte et je ne m’arrête jamais de parler. Ce n’est pas pour moi”.
Durant ces 3 années, les témoignages devenaient de plus en plus nombreux, intéressants et encourageants : “Un apaisement total, une paix et harmonie, dépourvue de toute agitation, irritation et discorde.” Des paroles qui m’ont convaincu, la graine a été plantée, et a commencé à germer.
Puis vient le moment où je me dis que je vais me lancer à mon compte, persuadé que je n’aurai plus 10 jours dans ma vie future, c’est le moment ou jamais.
Je m’inscris avec beaucoup d’appréhension. Puis 3 mois plus tard, je me retrouve en direction du centre. C’est sans hasard que Vipassana rentre dans ma vie, un moment où j’en avais le plus besoin.
Jour 0 : Le dépouillage
Arrivée, je découvre ma chambre où y rentrent un lit et une commode. Je donne mon téléphone, ma liseuse, mon ordinateur, mon carnet, mon appareil photo, mon stylo, tout ce que j’ai en ma possession qui puisse perturber mon esprit. Et, à 20:00, le noble silence commence.
Pourquoi le noble silence ?
Le silence du corps, de la parole et de l’esprit. Ils expliquent que la continuité de la pratique est le secret du succès de ces cours, et le silence est un élément essentiel pour maintenir cette continuité.
Moi qui redoutais ce moment, finalement ce n’était pas le plus difficile, au contraire, ça a été plutôt apaisant. C’est dans ces conditions que la réflexion intérieure débute et le travail commence.
Jour 1 : La désorientation
La discipline est le mot d’ordre et l’emploi du temps doit être respecté :
- 4:00 Réveil matinal
- 4:30 a 6:30 Méditation dans le hall ou dans votre chambre
- 6:30 a 8:00 Pause petit déjeuner
- 8:00 a 9:00 Méditation de groupe dans le hall
- 9:00 a 11:00 Méditation dans le hall ou dans votre chambre selon les instructions de l’enseignant
- 11:00 a 12:00 Pause-déjeuner
- 12:00 a 13:00 Repos et entretien avec l’enseignant
- 13:00 a 14:30 Méditation dans le hall ou dans votre chambre
- 14:30 a 15:30 Méditation de groupe dans le hall
- 15:30 a 17:00 Méditation dans le hall ou dans votre chambre selon les instructions de l’enseignant
- 17:00 a 18:00 Pause thé
- 18:00 a 19:00 Méditation de groupe dans le hall
- 19:00 a 20:15 Discours de l’enseignant dans le hall
- 20:15 a 21:00 Méditation dans le hall
- 21:00 a 21:30 Période pour les questions dans le hall
- 21:30 Se retirer dans sa chambre. Extinction des lumières
C’est dans ces horaires stricts, dès le premier jour, que j’ai tenté de méditer, de me concentrer et de m’observer. Rien n’y faisait, chaque seconde, je piquais du nez, mon esprit était encore très agité, j’avais du mal à le contrôler. Je m’endormais à chaque pose jusqu’à rater celle de 17:00…
10 jours, ça va être très compliqué.
Jour 2 : La migraine
Pour précision, chaque soir, il y a enregistrement d’une heure où M.Goenka, l’enseignant principal, enseigne l’art de vivre de Vipassana.
Ce qui était très impressionnant est que, tout au long de la semaine, lorsqu’il m’arrivait quelque chose durant la journée, le cours du soir y faisait référence. Ce qui m’a vite rassuré sur la pratique.
Ce jour-là, ça va mieux qu’hier, mais des difficultés subsistent : un esprit vagabond, fugitif, vacillant, instable, sans paix ou tranquillité. Le tout, enveloppé de migraines, mais qui, d’après le cours, étaient normales ce deuxième jour.
Jour 3 : La haine
Je n’ai jamais ressenti autant d’aversion de toute ma vie. J’avais une rage contre tout le monde. Ma famille, mes amis, mes connaissances. Une haine m’avait envahie.
Puis vint le soir où ma pratique de méditation s’était nettement améliorée, comparée aux autres jours.
Sans surprise (enfin si, beaucoup pour moi), dans le cours le soir, vous pouviez entendre “peut-être avez-vous eu de fortes émotions, voir violentes, mais ce soir, elles se sont apaisées pour laisser place à une meilleure pratique de la méditation”.
– Ok, donc ils savent de quoi ils parlent.
Jour 4 : La jalousie
“ – Vipassana commence.
– Hein ? Quoi ? Comment ça ? Moi, ça fait 3 jours que j’ai commencé !”
Pendant 3 jours, on vous apprend la méthode Anapana, la concentration sur la respiration et la sensation de l’air qui rentre et qui ressort du nez. Une étape obligatoire avant de pouvoir pratiquer Vipassana comme il se doit.À partir du 4ᵉ jour, on pratique Samadhi : la concentration et la gestion des pensées.
Ce jour-là, mes pensées étaient dirigées sur la comparaison constante avec les autres. Avec une impression que l’herbe était toujours plus verte ailleurs.
Ce à quoi M. Goekan répondu “tout attachement provoque un désir et le désir fait souffrir.” Car lorsque nous sommes accros au désir, nous ne sommes jamais satisfaits de ce que nous avons et nous voulons toujours plus. À la recherche permanente de plus grand, plus gros, plus fort. Telle une addiction, nous courrons derrière une chose, pensant en avoir besoin, lorsqu’au contraire, nous la satisfaisons seulement pour calmer le manque.
C’est là que j’ai réalisé tout ce que j’avais, et que pour rien au monde, je ne voudrais le changer.
Jour 5 : L’injustice
“Vous ne bougerez plus pendant 1h, trois fois par jour” Ha-Ha-Ha.
J’ai pensé que c’était impossible, que jamais j’allais réussir.
On pouvait voir tout le monde s’échauffer, s’étirer comme si on se préparait à un marathon. Chacun faisait preuve d’imagination pour créer un nid douillé avec tous les cousins mis à disposition. Personnellement, j’avais un dossier, un cousin sur lequel m’asseoir, et un autre sous chaque genou, j’étais prête.
Ok maintenant “discipline, discipline, discipline”. Une heure passe et impossible d’ouvrir les yeux, de remuer les bras ou d’étirer les jambes. Les pensées surgissent et aujourd’hui, c’est l’injustice.
L’injustice de la vie, l’injustice de personne qui ont fait de mauvaises choses et qui n’ont pas été punies, l’injustice de vivre dans un monde rempli d’injustice.
Puis à quoi bon ? C’est moi qui soufre alors que ce sont les autres qui agissent ? Vipassana vous apprend que vous pouvez continuer à subir ces mauvaises émotions, et vous les infliger à vous-même, ou prendre conscience que la seule personne en souffrance à ce moment-là, c’est vous, et que vous pouvez choisir de l’arrêter.
J’observe cette souffrance sans l’alimenter, je l’accepte, mais je ne lui réponds pas.
Équanimité, compassion et Anicca (impermanence des choses)
Jour 6 : Les coups de chaud
La veille, ils nous parlaient de malheur et de souffrance, j’ai l’impression que ça me tire vers le bas plus qu’autre chose. J’en peux plus, c’est trop difficile. J’ai l’impression de creuser mon âme, de chercher au fond de mon être.
Et je ne comprends pas, depuis le début, alors que je suis dans un environnement doux et frais, des coups de chaud se font ressentir. En cherchant des raisons sans réponse, je finis par observer. Nous sommes là pour ça n’est-ce pas.
Quand arrive l’explication : « Nous sommes tous reliés aux 4 éléments, la Terre, l’Eau, l’Air et le Feu.
Et en fonction de vos émotions et connexions, il y a réaction. Exemple, le froid surgi, vous avez de la tristesse. À l’inverse, le chaud, vous avez de la colère. »
Alors c’est donc ça, de la colère. Observons là et laissons-la partir comme elle est arrivée. Rien n’est permanent.
Jour 7 : Le pire jour
Aujourd’hui, c’est pire qu’hier. J’ai l’impression d’être une mauvaise personne, que ce que je suis en train de vivre ne me réussis pas. Le temps passe, les heures tournent, et moi de même. Je salue chaque émotion, chaque expérience passée, inquiétudes futures, je n’ai rien pour me distraire, et je dois en assumer l’entière responsabilité ? Sortez-moi de là.
Attendons le cours, peut-être est-ce normal. Puis :“Si vous n’avez pas de bonnes conséquences de votre pratique, c’est que vous ne faites pas bien le Dhamma” la pratique enseignée.
Sortez-moi de là.
Jour 8 : Le meilleur jour
Chaque jour, vous avez le droit d’échanger pendant 5 min avec le professeur. Mon nom était en haut de la liste.
“Je m’essouffle de mes ressentis, je lutte contre mes affrontements, je pratique comme on me l’indique, en effet, je vois des améliorations sur ma méditation, mais concernant mon être, je suis à bout, et apparemment, c’est parce que je ne le fais pas bien. Qu’est-ce que je dois faire ?” C’est avec ses grands yeux bleus que le professeur me regarda profondément pour m’indiquer que j’effectuais le Dhamma parfaitement bien.
Mon cœur s’allégeait.
En effet, lors du cours donné, “si des émotions fortes surgissent, c’est très bien, utilisez-les comme outils”. J’aurais bien aimé être prévenu plus tôt.
Plus tard, pendant ma pratique de méditation, après un certain temps de concentration, j’ai pu ressentir une légèreté que je n’avais jamais rencontrée auparavant. Je me suis sentie envahie d’un bien-être si profond.
Si j’aspire à ça, alors je dis oui, je reste.
Jour 9 : Les peurs
J’y suis presque. Je peux le faire.
Aujourd’hui, je me rappelle que j’ai dit à mes proches que s’il se passait quelque chose, je ne voulais le savoir qu’après. Mais, et s’il s’était vraiment passé quelque chose ? Ma famille ? Mes amis ? La guerre ? Une météorite ?!
C’est compliqué d’être enfermé.
Pendant Vipassana, on vous raconte, dès le premier jour, que vous allez subir une intervention chirurgicale. Ouvrir, enlever l’obscurité, et faire cicatriser la plaie. Imaginez mon état à l’annonce d’une mauvaise nouvelle, plaie ouverte. Ce n’est pas possible.
Alors, on observe cette peur, on l’accepte et on la laisse partir, Anicca.
Mon être s’améliore, je suis loin, je suis bien.
Jour 10 : La libération
Dernière méditation, le Gong retentit et ça y est, le noble silence est terminé. J’ai l’impression que c’est le premier jour d’école. À qui vais-je parler, qu’est-ce que je vais pouvoir leur dire ? J’ai l’impression de tous les connaître. Pendant ces 10 jours, il y en a que j’ai apprécié et d’autres qui m’ont moins attiré. C’est là que l’on observe qu’on ne peut s’empêcher de juger, d’envier ou de rejeter les idées. Puis naturellement on me salue et un petit cercle se forme. Il me fallut bien 15 min pour me familiariser avec la parole, mes mots, ma voix. Une émotion si forte a pris place dans mon corps quant au partage d’expérience de chacun, de cette cohésion, et juste de cet instant.
Laissez-moi ici, je ne veux plus partir.
Jour 11 : Le retour dans le monde réel
Je n’ai pas voulu rallumer mon téléphone. En 10 jours, il peut se passer tellement de choses. En 10 jours, il m’est passé tant de choses.
Et c’est réellement avec un poids en moins, quelque chose qui s’en est allé, des souffrances envolées, que je quitte le centre et que j’écris ces lignes aujourd’hui.
Qu’est-ce qui fut le plus difficile ?
- Me confronter à moi-même et faire face à mes émotions
- La pratique de la méditation, ressentir et garder la concentration
- La posture et observer sa douleur, surtout le 5ᵉ jour, lorsqu’on ne peut plus bouger pendant une heure, trois fois par jour
- Ne rien pouvoir faire pour occuper son esprit
- Le silence
Qu’est-ce que ça m’a apporté ?
Je n’ai rien appris de particulier dans les cours et dans les dires de cette méthode. Mais je me suis rendu compte, jusqu’à présent, que je n’avais qu’intellectualisé ces préceptes et grâce à Vipassana, j’ai vraiment fait l’expérience de vivre et de ressentir ces derniers, autant dans mon corps que dans mon esprit.
J’ai réalisé qu’il n’y a pas de mauvaises âmes, seulement des personnes malheureuses et ignorantes, qui vivent avec leurs croyances et leurs visions du monde.
J’ai enfin compris ce qu’était agir avec discipline, sincérité, renonciation, moralité, effort, vérité, tolérance, détermination, sagesse, équanimité, amour altruiste et générosité.
J’ai voulu mettre en lumière cette expérience, car j’aimerais qu’elle vous apporte autant de choses qu’elle a entraîné chez moi.
Vipassana est une voie universelle, un outil inestimable, alors certes difficile, mais profitable à chacun.
Observer la réalité telle qu’elle est, en observant la vérité à l’intérieur, c’est se connaître soi-même de manière directe et par l’expérience.
Tel que M. Goenka disait :
« Puissent tous, faire l’expérience de cette vérité ultime. Puissent tous êtres, être libérés de la misère. Puissent tous, jouir d’une paix réelle, d’une harmonie réelle, d’un réel bonheur. Puissent tous les êtres être heureux”.
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